Monastère Saint Silouane

Mgr. Elisée: XVIIème dimanche après la Pentecôte

XVIIème dimanche après la Pentecôte
Saint Matthieu XV, 21-28
05 octobre 2025
Monastère Saint Silouane

Chers frères et sœurs !
Avant de méditer sur le récit de la cananéenne, il nous faut remonter un peu plus haut dans l’évangile de St Matthieu afin de replacer dans son contexte la péricope d’aujourd’hui.
En effet, le Christ vient d’avoir une controverse houleuse avec les pharisiens au sujet de la notion de « pur » et « d’impur » telle qu’elle ressort de la tradition des anciens. Comme Il a scandalisé ses interlocuteurs, le Christ se retire prudemment dans la région de Tyr et de Sidon, terre considérée « impure » et où Il est sûr que ses détracteurs ne le suivront pas !

 

Sans doute veut-Il faire le point avec ses disciples ; élevés à la synagogue, c’est-à-dire à l’école des pharisiens ; sur Son enseignement quelque peu anticonformiste, pour ne pas dire « révolutionnaire ».
Tout porte à penser que la rencontre avec cette femme syro-phénicienne prolonge la réflexion sur les conceptions légalistes relatives à la pureté.
En fait, le Christ se rend à une sorte de rendez-vous : l’heure est venue d’accomplir la pédagogie divine concernant les rapports entre Israël et les païens. Et pour être sûr que les témoins puissent dégager le sens de l’événement, le Seigneur va se situer explicitement dans la lignée prophétique dont Il va porter à terme les enseignements sur ce sujet.
Mais revenons-en au récit.
La cananéenne appartient au peuple chassé de la Terre que Dieu avait donnée à Israël. La prière qu’elle adresse au Christ témoigne cependant d’une étonnante connaissance de la tradition juive ; le titre « Seigneur Fils de David » suggère même une esquisse de foi, comme le confirme sa demande que le Christ prenne autorité sur le démon qui tourmente sa fille, ce qui est un pouvoir proprement divin.
En feignant ignorer la prière de cette femme, puis en repoussant sa demande sous prétexte qu’Il n’est envoyé « qu’aux brebis perdues d’Israël », le Seigneur adopte dans un premier temps le comportement des prophètes anciens : ceux-ci s’adressaient en effet exclusivement au peuple élu qu’ils étaient chargés de ramener en priorité dans la fidélité à l’Alliance.
Le silence du Christ a aussi une portée pédagogique, Il veut obliger ses disciples à s’interroger : cette femme païenne vivant en terre étrangère, mais témoignant par sa foi naissante qu’elle est visitée par Dieu, est-elle « impure » en raison de son appartenance raciale, ou bien faut-il juger sa « pureté » -à savoir sa relation à Dieu à partir de « ce qui est sorti de la bouche et qui provient du cœur » ?
A vrai dire, les disciples ne semblent pas trop avoir perçu le problème : leur seul souci est que le Maître accède au plus vite à la demande de cette femme pour couper court à toute situation embarrassante : qu’on s’imagine le scandale que causerait un Rabbi poursuivi par les cris d’une païenne ! Si les chefs religieux apprenaient cela à Jérusalem, ils ne se priveraient pas de le diffamer. Autrement dit, les disciples demeurent tout aussi enfermés dans leurs a priori et leur formalisme religieux que les pharisiens qu’ils redoutent pourtant.
La parole dure du Christ refusant d’intervenir en faveur d’une brebis qui n’est pas du troupeau d’Israël, ne déroute cependant pas la cananéenne qui, redoublant de courage, vint se prosterner devant lui dans un geste d’humble adoration. Lui barrant la route elle supplie Celui en qui elle a mis tout son espoir : « Seigneur, viens à mon secours ! ».
Ce n’est pas pour elle mais pour ses disciples que le Seigneur se fait insistant, disant à haute voix ce que ceux-ci pensent tout bas. Tout comme la samaritaine, la cananéenne a perçu intuitivement le mystère de la personne du Christ ; elle sait bien que le pain de Sa parole est destiné aux enfants d’Israël puisque le salut vient des juifs ; mais elle a deviné que ces enfants font preuve de bien peu d’appétit pour la nourriture que le Christ leur offre pourtant en abondance. Aussi ajoute-t-elle avec assurance que « les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres ».
Certes, le salut vient des juifs, mais il ne leur est pas réservé car la justice de Dieu et Son salut sont pour tous les hommes. Tous sont conviés à entrer dans la maison de l’unique vrai Dieu, dont le Christ nous révèle le visage.
L’histoire de la cananéenne doit nous interpeller non seulement sur nos divergences… surtout au sein de l’Eglise et de nos communautés; qu'elles soient monastiques ou paroissiales… mais également sur nos innombrables exclusions au nom de nos différences que nous ne parvenons jamais à intégrer complètement. 
Certes, Israël avait reçu de Dieu une mission particulière en tant que fils aîné parmi les peuples, mais cette élection –comme toute élection- implique aussi la responsabilité de partager le don confié. Dieu distribue Ses grâces entre nous tous, afin que tous, nous puissions participer au service du bien commun en dispensant et en dépensant le ou les talents que nous avons reçus. 
Mais soyons vigilants ! 
Car tout don, tout talent se pervertit lorsqu’il est approprié d’une manière individualiste pour nourrir la vaine gloire,  la haine, la vengeance ou le pouvoir de celui qui l’a reçu.
Le don par excellence, celui que l’Eglise a pour mission de partager avec tous, est celui de la miséricorde et du pardon ; don grâce auquel nous pouvons réintégrer notre condition filiale.
C’est par cette miséricorde et ce pardon que le salut de Dieu sera connu parmi toutes les nations, c’est par elle que le Seigneur nous bénit et que la terre entière pourra enfin 
L’adorer en esprit et en vérité !
Amen !
 

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