Monastère Saint Silouane

Dire oui Abandon

24/11/2019 Lc XXI, 12-19
A
u nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Amen
Dans le second Evangile que nous avons lu, à l’occasion de la fête des martyrs St Mercure et Sainte Catherine, nous avons entendu le Seigneur donner des conseils à ceux qui l’entouraient, particulièrement ses apôtres, et ces conseils peuvent se résumer en quelques mots : « Ne vous inquiétez pas de ce que vous aurez à dire, ne vous inquiétez pas et soyez fermes ». ; c’est évidemment un conseil dont Il explique tout le sens par rapport aux diverses persécutions et autres difficultés que pourront subir ceux qui L’entourent à ce moment-là. Mais cet Evangile s’adresse aussi à nous aujourd'hui et la question que nous devons nous poser c’est quel est le sens de cet Evangile pour moi aujourd'hui dans ma vie ? Qu'est-ce que cela veut dire ? Tout d’abord, retenons cette phrase : « Ne vous inquiétez pas de ce que vous aurez à dire pour votre défense ». Certes, peu d’entre nous, ont subi le martyre au sens strict du terme mais beaucoup sur cette terre subissent encore le martyre au nom du Christ ; le mot « martyr » en grec signifie « être témoin » mais être témoin de quoi, plus exactement de qui ? Etre témoin de Dieu, de l’amour de Dieu, de l’amour que Dieu nous porte et de l’amour que nous voulons porter à Dieu ; c’est cela être martyr : être un témoin de cet amour. Quant à ce que nous aurons à dire si nous subissons quelques affrontements, peut-être pas jusqu’au martyre du sang mais il y a toutes sortes de martyres : il y a les petits martyres quotidiens qui surgissent dans notre vie ordinaire, les souffrances que nous ressentons face à telle ou telle opposition, tel ou tel désaccord avec notre mode de pensées et puis il y a des martyres un peu plus conséquents. Je pense à un Saint que nous vénérons beaucoup : St Nectaire d’Egine ; il fut, à sa façon un martyr de l’Eglise, de son Eglise qui l’a rejeté par méchanceté, par médisance, qui l’a critiqué et il a été toute sa vie déplacé d’endroits en endroits où il essayait de vivre ce que le Seigneur lui enseignait, l’amour de Dieu, où il essayait de montrer aux autres l’importance de l’amour de Dieu et, à chaque fois, il était déplacé, rejeté, méprisé ; son serviteur lui disait : « mais défends-toi, écris au Patriarche d’Alexandrie » - qui était alors à l’origine indirectement de cette situation mais Saint Nectaire répondait : « Non, non, laisse faire Dieu » et il sous-entendait par là : « Laisse-moi dire ce que Dieu m’inspire ». Qu'est-ce que Dieu lui inspirait ? « Oui, oui j’accepte, j’accepte de souffrir même de mon Eglise ; j’accepte d’être confronté au mal, j’accepte cette souffrance et je la vis en l’offrant pour le salut du monde ». Il n’est bien sûr pas le seul des saints que nous pouvons citer mais il est un type de sainteté très particulier que nous connaissons bien et qui correspond bien aussi à cet Evangile que nous venons d’entendre. « Ne vous occupez pas de ce que vous aurez à dire ». Saint Nectaire ne répond rien sinon « Oui » à Dieu. C’est ce oui à Dieu qui est si difficile pour chacun d’entre nous, pour moi, comme pour vous ; à certains moments nous voulons bien dire oui à Dieu mais à condition que …, nous voulons toujours mettre des conditions ; dire oui à Dieu sans condition, c’est beaucoup plus difficile ; sans la grâce de Dieu, cela est impossible. Nous avons plusieurs exemples, déjà dans l’Ancien Testament et dans le Nouveau aussi, de personnages qui ont dit oui à Dieu, un oui total, sans condition. Je parlerai d’abord d’Abraham à qui Dieu dit « Va où je te montrerai » ; Il ne lui dit pas : « Va là-bas », Il dit « Va où je te montrerai, c'est-à-dire dans le futur je te montrerai au fur et à mesure là où tu dois aller ; c’était un abandon total dans la part d’Abraham de dire oui au Seigneur et de conduire son peuple là où Dieu avait décidé. Le prophète Moïse est dans la même situation et puis Marie, la Mère de Dieu dira oui à l’Archange sans condition ; elle acceptera, oui, d’être témoin de l’amour de Dieu qu’elle connait et de cet amour qu’elle veut lui donner ; à sa manière elle sera une martyre car on la retrouve aux pieds de la croix là où son Fils est le martyr des martyrs et elle subit dans sa sensibilité de mère, de femme la souffrance de son Fils qui est indicible et elle accepte, elle reste debout aux pieds de la Croix pour montrer que son oui se poursuit. Pour nous, il n’est pas facile quelque fois de dire oui et pourtant c’est la seule voie qui soit la vraie voie : dire oui à Dieu. J’ai entendu de nombreuses fois de jeunes garçons ou des jeunes filles, adolescents, qui disaient : « Je pense que je devrais devenir moine ou moniale » et qui étaient prêts à dire oui et puis, progressivement, se laissaient gagner par les tentations du démon probablement et s’éloignaient de se oui pour vivre autre chose. Il y a des moments où nous sommes dans l’interrogation : « Qu'est-ce que je dois faire » ? Est-ce que je dois répondre oui à tel évènement et bien tant que la foi n’est pas atteinte, nous pouvons toujours dire oui. Si la foi est atteinte alors nous devons rester fidèles à Dieu, dire non à nos ennemis et oui à Dieu.
Ce récit que nous avons entendu n’est pas une histoire ancienne, c’est aussi une histoire d’aujourd'hui ; à chacun d’entre nous de trouver là où il se situe, dans son histoire personnelle comment être amené à dire oui alors que l’on a envie de dire non, non, je n’ai pas envie, je n’ai pas la force mais le problème n’est pas là : il n’est pas question d’avoir envie ou d’avoir de la force, il est question de dire oui à Dieu par rapport à une proposition divine qui passe par un être humain, par l’Eglise, par l’évêque, peu importe ; nous n’avons pas envie et alors ? Croyez-vous que le Christ avait envie de monter sur la croix ? Pourtant Il a dit oui au Père non sans avoir pleuré et son oui est un oui qui sauve l’humanité. Je n’ai pas la force de dire oui mais il ne s’agit pas de notre force, il s’agit de la force de Dieu, c’est Lui qui donne la force, par sa grâce par l’Esprit-Saint alors il faut le prier pour demander la force de pouvoir dire oui dans la situation ou nous nous trouvons. Et lorsque nous disons oui, une grande paix intérieure vient en nous ; au-delà de la souffrance, au travers de la souffrance il y a une paix qui est la paix de Dieu, qui est le signal de Dieu qui vient nous dire : « J’accueille ta réponse pleinement et je te donne la force de la vivre ».
Alors voyez-vous cet Evangile que nous lisons dans tous les cas où nous faisons mémoire des martyrs, il est important pour nous aussi ; peut-être ne serons-nous jamais des martyrs du sang mais des petits martyrs, oui, des petits témoins ; nous sommes appelés à être de petits témoins, quelque fois même des grands témoins comme St Nectaire, entre autres. N’ayons pas peur. Le Christ le dit : « N’ayez pas peur », « ne vous inquiétez pas de ce que vous aurez à dire » parce que la réponse, elle est simple, c’est oui ; il n’y a pas à s’inquiéter, c’est oui du moment que la foi n’est pas touchée et atteinte et c’est cela qui est extraordinaire : c’est que nous connaissons la réponse à l’avance et qu’il nous faut la force de Dieu, la grâce de Dieu pour pouvoir prononcer ce oui qui nous permettra d’avancer là où Dieu nous veut, pas là où nous voudrions être mais là où Dieu nous veut. Dieu est toujours là vous savez pour nous aider à répondre oui. Je pense que, il y a 50 ans, je n’aurai jamais pensé fonder un monastère et même j’aurais dû quand mon Père spirituel me l’a proposé dire non. Je peux vous dire, par expérience – ce n’est pas pour me vanter parce que cela n’a aucun intérêt puisque tout vient de Dieu et pas de moi - mais lorsque j’ai entendu cette proposition : « Tu pourrais peut-être fonder un monastère », à l’intérieur de moi j’ai senti que le oui commençait à naître et qu’une grande paix naissait également dans mon cœur, c’était Dieu qui répondait, c’était Dieu qui me donnait la réponse et pourtant le programme que m’a donné le St Père Sophrony n’était pas si facile : il m’avait dit que c’était impossible à faire mais de le faire, que cela ne se faisait que dans le sang et dans les larmes ; oui, il fallait dire oui ; tout seul je n’aurais pas pu dire oui et même la logique humaine m’aurait entraîné à dire non, c’est impossible : je ne peux pas, je ne suis pas un aventurier, je n’aime pas l’aventure et pourtant Dieu m’a permis, par sa grâce, par sa force, d’ouvrir la bouche pour dire oui. Pour chacun d’entre nous nous pourrions citer des exemples identiques qui que nous soyons et quelle que soit la situation où nous avons été amenés déjà à dire oui alors que nous aurions dû dire non. Alors n’ayons pas peur, n’ayons pas peur puisque le Seigneur nous le dit, n’ayons pas peur : il nous sera donné de donner la bonne réponse si vous la demandez au Père des cieux, c’est Lui qui va déclencher la bonne réponse. Que Dieu nous donne à chacun d’entre nous non seulement de dire oui une fois, deux fois dix fois, mille fois mais de maintenir notre oui : ne pas dire oui un jour et puis après dire non notre oui ; le oui doit durer jusqu’à la fin, jusqu’à la tombe, c’est cela, en définitive, être chrétien ; et pour citer encore le St Père Sophrony : il nous disait, on ne vit pas en chrétien, on meurt en chrétien parce que c’est à la fin de la vie que le oui s’accomplit dans sa plénitude, dans sa grandeur, dans son ampleur, sa valeur aux yeux de Dieu. « Oui j’accepte d’aller vers Toi et d’abandonner tout pour recevoir la plénitude de l’amour ; donc soyons confiants, soyons priant, n’ayons pas peur, et à chaque fois que le Seigneur nous propose de dire oui, guettons cette occasion, ne la laissons pas passer, une occasion de bonheur, de joie et de paix.

Amen

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